Affaire de l'ECAV | Une fois sur cinq, tu ne passeras pas
Chapitre 3 | PowerPoints, pourcentages et 87’853 francs… Ou comment l’ECAV a transformé la sélection en indicateur de performance. 📊
Vous vous souvenez du Chapitre 2 ?
On venait de voir comment Genève avait réussi un tour de force assez unique :
inventer une école illégale
se la faire refuser à Berne…
puis l’installer quand même.
Sur le papier, tout était déjà en place. Il ne manquait plus qu’une chose – lancer la machine.
Dans ce troisième chapitre, la théorie sort du papier.
L’ECAV ouvre enfin ses portes. Elle élimine. Les PowerPoints assument noir sur blanc. Une « étude de marché » à près de 90’000 francs vient confirmer la mécanique en expliquant, très sérieusement, que le filtre tombait à point nommé.
Ici, la fiction de l’école s’effondre.
Ce qui apparaît, derrière, c’est un poste de douane. Un outil pour décider qui a le droit d’échouer en public… et qui sera éliminé en coulisse.
Bienvenue dans la phase industrielle du Far Genf.
Bienvenue dans le Chapitre 3.
⚠️ Chaque hyperlien ouvre une trappe 👀
Dessous ? Une pièce, un arrêt, un éclat de vérité administrative soigneusement rangé. Même les images ont été sommées de parler.
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Baladez-vous dans les archives. Elles, au moins, ne mentent pas.
Chapitre 3 – La machine commence à trier
Au début des années 2010, l’ECAV cesse d’être un projet.
Elle devient salle comble. Le dispositif avait été calibré pour 150. Ils sont 315 à se présenter au guichet.
La première volée déborde les murs, les horaires, les fiches Excel.
À la fin du semestre, ils ne sont plus que 263 à passer la barre.
Entre l’inscription et l’« examen approfondi », 32 noms disparaissent déjà.
Un peu plus de 11 % rayés en quelques mois.
Le tri fonctionne.
Pas encore comme on l’espérait, mais il fonctionne.
La machine n’est plus un pari. C’est un filtre en marche.
Automne 2012, Genève déroule ses tapis pour la Fédération des barreaux d’Europe.
Dans la salle, tout commence par une image projetée à l’écran. Une diapositive aux couleurs de Schellenberg Wittmer [ndlr : influente étude d’avocats à Genève où le Doyen de la Faculté de droit garde un bureau, au cas où l'indépendance académique lui ferait défaut].

En haut, le bandeau de l’étude.
En bas, une rangée de codes reliés, bien droits, pièces de musée plus que manuels de travail.
Au centre, en rouge, « Evolution de la formation des avocats », accolé au logo de l’ECAV.
Cabinet d’affaires, école d’avocature, Ordre, faculté de droit. Une image vaut mille mots ? Eh bien tout est là, et en grande pompe ! Comme si les casquettes ne faisaient plus qu’une.
Au pupitre, Maître Vincent JEANNERET, vice-président de l’ECAV, membre de la commission de formation de l’Ordre et père moral du dispositif. [ndlr : le conflit d’intérêts n’est même pas indiqué dans le PowerPoint…]
[ndlr : Il participait aussi à l'Association Genevoise du Droit des Affaires (AGDA) de 94 à 2002. C'est le point de départ d'un réseau de liens d’intérêts qu’on reverra partout - à l'ECAV, à la faculté de droit, dans la magistrature administrative genevoise et désormais à la présidence du Tribunal fédéral].
Il déroule les « raisons du changement ».
Bologne qui allonge les études.
L’inspiration d’autres systèmes européens.
La nécessité de « mieux préparer les futurs avocats-stagiaires ».
Un clic. Une nouvelle diapo s’allume.
Le cœur du dispositif tient en une ligne, leur « Saint Graal » posé en bullet point.
C’était clair dès le départ.
On jurera l’avoir oublié quinze ans plus tard.
On trie avant le stage, avant le barreau, avant le marché. Pas après.
Plus loin, dans la rubrique « Premières leçons », il passe aux chiffres.
Sur la même slide, les critiques des étudiants sont dites « positives » et, globalement, l’ECAV « répond aux attentes de la profession ». Aucun mot sur le droit fédéral. Rien que ces « attentes » arrimées à un pourcentage.
Le taux d’élimination n’est pas présenté comme un dommage collatéral. C’est un seuil à tenir, la preuve comptable que la machine accomplit exactement ce pour quoi on l’a montée.
Titre 6. Le masque glisse. « La génération Y ».
En quelques lignes, on dresse l’acte d’accusation.
Tout est vrai, mais tout est retourné.
La curiosité devient défaut.
La célérité, un caprice.
Le besoin de transparence, une menace.
Les puces s’alignent comme un diagnostic de masse. Trop connectés, trop pressés, trop informés, trop attachés à la lumière. Une génération qui supporte mal que tout se décide derrière des portes closes.
Si l’ECAV existe, finalement, c’est bien qu’ils l’auront cherché.
Les diapos suivantes en rajoutent une couche.
Les milléniaux auraient « besoin de s’identifier à la personne pour laquelle elle travaille, qui doit être irréprochable ». Ils changeraient « très fréquemment d’employeur » si l’une de ces conditions n’est pas remplie.
On parle alors de loyauté « relative » en cas d’insatisfaction, comme on coche un défaut de fabrication sur une fiche de contrôle qualité.
Puis tombe la phrase. Le flagrant délit.
« Les ténors de cette génération sont nos prochains clients ! ». On les redoute, on les méprise un peu, mais on compte déjà sur leurs honoraires.
Et là surgit la phrase de doctrine, celle qui condense tout.
« Ceux qui sont responsables de la formation des avocats doivent s’adapter à cette génération et à ses exigences, tout en résistant sur certains points ».
Les fameux vices dont on venait de dresser la liste. Ce « désir d’avoir accès sans limite à toute information », ce « besoin d’éthique et de transparence ». C’est là qu’il faudrait tenir la ligne. C’est précisément là qu’il faudrait « résister ».
Le système signe son autoportrait.
Il sait que ceux qu’il filtre réclament du savoir, des comptes, de la lumière.
Il annonce, calmement, que c’est exactement ce qu’il s’emploiera à leur refuser.
À la même période, l’Éminente Revue de l’Avocat se met au diapason.
Numéro glacé, couverture gris clair, typographie rassurante. Entre un article sur le « nouvel avocat » de demain et un autre sur la procédure électronique, un titre trône au milieu des pages .
« La naissance à Genève de l’École d’avocature ».
À la signature, sans surprise, Me Vincent JEANNERET.
Il reprend l’histoire depuis le début, vante la « réflexion commune » entre l’Ordre et la Faculté, salue l’accueil « quasi inédit » réservé par les autorités politiques, déroule un programme « dense et ambitieux », des ateliers « très proches de la pratique » et, au centre de tout, la nécessité d’un « examen éliminatoire initial » pour tester le plus tôt possible les « aptitudes » des candidats.
Les chiffres de la première volée sont exhibés comme un bulletin de santé réjouissant :
315 inscrits
296 présentés
263 reçus.
Le pourcentage d’échec, jugé comparable à celui de l’ancienne commission, est brandi comme la preuve que tout est « sous contrôle ».
Ce qui manque se voit autant que ce qui est imprimé :
Pas un mot sur celles et ceux qu’on a éliminés.
Pas une allusion au droit fédéral, ni à la LLCA que le dispositif contourne.
L’élimination se dissout dans le vocabulaire de la qualité, de l’ambition, de l’excellence.
Pendant que la profession se félicite dans ses revues et ses congrès, une autre voix grince.
Le procureur général Olivier JORNOT, figure installée du parquet genevois, dit publiquement regretter l’adoption de la loi sur l’ECAV.
À ses yeux, on a confié le pouvoir « aux théoriciens » – entendez les professeurs – au détriment des praticiens.

Ce n’est pas l’existence du filtre qu’il met en cause.
C’est le fait qu’il soit tenu par d’autres mains que les siennes.
Dans ce soupir contrarié, quelque chose se dévoile. La machine à trier, censée servir la profession, se serait bâtie sans elle, ou pas assez pour elle.
Elle sélectionne, oui, mais pas exactement le vivier que certains rêvaient d’épurer. Autrement dit, le four tourne, mais pas encore à la température souhaitée.
Le ver est déjà dans le fruit. L’ECAV ne sélectionne pas seulement. Elle confisque. Elle concentre dans un même lieu le savoir, la légitimité, l’autorité de dire qui est « apte » à rejoindre le barreau genevois.
Les chiffres glissent du côté des paramètres à optimiser. De dix à vingt pour cent en une seule année. Et ainsi de suite. Nul ne devrait feindre la surprise. C’est le cap qui avait été fixé, projeté sur écran, assumé devant les barreaux européens.
Le taux d’élimination devient un indicateur, un seuil implicite à maintenir, un message inscrit dans le code source du dispositif.
Une fois sur cinq, tu ne passeras pas. Peu importe les copies.
À partir de là, le basculement est complet. L’ECAV n’est plus un simple couloir entre la Faculté et le stage. C’est un outil. On l’appelle « école », on la traite comme un sas.
Une frontière dessinée entre ceux qui auront droit au label genevois et ceux qu’on laissera dehors.
D’un côté, ceux qui pourront glisser sur leur CV « je suis passé par l’ECAV » et présenter cette mention comme un laissez-passer.
De l’autre, les recalés définitifs, renvoyés à leur « inaptitude » officielle, quel que soit leur parcours, leurs notes, leurs engagements.
On ne se contente plus de hiérarchiser des compétences. On organise les corps, on décide qui avance, qui stagne, qui disparaît. La norme se déplace, quitte le terrain pédagogique pour s’incruster ailleurs. Dans les diapos de congrès, dans les articles de revue, dans les pourcentages policés.
Un taux à tenir, une ligne à ne pas franchir. Ce réglage silencieux restera en place jusqu’en 2023. Personne ne le vote. Mais tout le monde le soutiendra.
Février 2015. Un sursaut, ou peut-être ce qui reste d’un scrupule institutionnel.
Le Grand Conseil [ndlr : le parlement genevois] adopte la motion M 2149.
Mandat officiel ? Dresser le bilan de la réforme de l’accès à la profession d’avocat. Cible évidente : l’ECAV.
Quatre volées ont déjà défilé, des taux d’élimination qui crèvent le plafond, des critiques répétées sur l’opacité du cursus et l’inégalité des chances.
Les députés posent, enfin, la seule question qui compte.
Qu’est-ce qu’on fabrique, au juste, derrière ces lourdes portes closes ?
La réponse tombe six mois plus tard. Un rapport d’août, signé du Conseil d’État [ndlr : le gouvernement genevois].
Dès l’incipit, le ton se donne. Prose gonflée d’assurance, adjectifs bien peignés, autosatisfaction en mode automatique.
L’ECAV ? Une « réussite incontestable ». Pourquoi ?
Parce que 476 candidats ont franchi l’obstacle entre 2011 et 2015.
Parce qu’un quart d’entre eux viennent d’autres cantons.
Parce que, surtout, aucun recours n’a encore été porté devant le Tribunal fédéral.

On coche ces cases-là et l’affaire est entendue. Le reste disparaît :
Aucun mot sur les abandons en cours de route.
Aucun mot sur les dégâts sociaux, sur les trajectoires cassées, sur les disparités économiques ni sur les aides promises, jamais mises en place.
Pas la moindre ligne sur le coût global du dispositif.
Tout y est impeccable, sauf ce qui touche au réel.
Et la motion parlementaire, dans tout ça ?
Dissoute dans le vernis.
Un geste de contrôle noyé dans la rhétorique vitrine.
Un grain de sel déposé au sommet, vite absorbé par la nappe phréatique de la suffisance institutionnelle, sous la plume d’un énième avocat parlant au nom de l’État.
Loin de ralentir, la machine se raffermit.
Entre 2017 et 2019, l’ECAV se penche à nouveau sur son reflet. Pas dans une glace poussiéreuse de couloir, non. Dans une galerie des Glaces facturée 87’853 francs et rebaptisée « études de marché ».

Objectif affiché ?
Prendre le pouls de la profession, mesurer la saturation, vérifier le niveau d’angoisse.
Objectif réel ?
Faire dire par des chiffres que le filtre tombe à point nommé.
Les résultats arrivent, lissés, mis en page. Le marché est jugé saturé. Les places de stage manquent. La satisfaction des avocats n’atteint même pas le tiède.
Et, surtout, nul numerus clausus officiel à l’horizon. On se rassure. On n’en a pas besoin.
La sélection s’opère « en amont », formule pudique pour désigner un tri déjà à l’œuvre. La machine est lancée. On filtre plus tôt. On recrute moins. Et on se félicite de cette « adaptation nécessaire » — tout en envoyant la facture.
Alors, le 22 mars de la même année, le président de l’ECAV entre en scène par l’encre.
L’Éminente Revue de l’Avocat – encore elle – lui ouvre sa « Question du jour ».
Au lecteur, Maître François BELLANGER présente l’École comme un « pont » entre l’Université et la pratique, une structure « unique » en Suisse, rattachée à la Faculté tout en « bénéficiant d’une certaine autonomie organisationnelle et décisionnelle ».
À la fois dedans et dehors.
Assez universitaire pour emprunter sa légitimité.
Assez autonome pour serrer sa propre Grille.
Vient ensuite l’objectif officiel. « Préparer les étudiants au métier d’avocat et, avant celui-ci, au stage d’avocat nécessaire pour l’obtention du brevet ».
La phrase se veut rassurante. Elle installe l’ECAV comme une étape logique, presque naturelle.
Le Professeur précise que « la formation intervient pour la majorité des étudiants après l’obtention de leur master ». Tout va bien.
Puis il corrige déjà le tir. « Leurs cours sont toutefois organisés de manière à permettre aux étudiants de suivre l’ECAV pendant le master ».
Avant le stage, donc. Avant tout contact réel avec la profession. Le filtre s’intercale là, dans cet entre-deux que la loi fédérale avait pour visée précise de colmater.
Le Président ne s’arrête pas à cette simple « possibilité ». Il en donne la mesure exacte.
« Plus de 97 % des étudiants suivant l’ECAV n’ont pas encore débuté leur stage ».
À titre d’exemple, pour la volée 2019, les stagiaires représentent « cinq étudiants sur 318 au début du semestre ».
Cinq sur trois cent dix-huit.
Le message est limpide.
L’ECAV n’accompagne pas le stage.
Elle le précède, le conditionne, le verrouille.
La formation, écrit-il, vise à donner à « tous les futurs stagiaires un socle commun de compétences les préparant tant au stage qu’à l’exercice futur de la profession d’avocat ».
Socle commun en façade. Tri sur mesure en sous-sol.
Et la cerise sur la finasserie.
« En sortant de l’ECAV, les étudiants sont ainsi à même de tirer le meilleur profit de leur stage d’avocat, durant lequel ils ou elles pratiqueront leur futur métier ».
Comme si le stage n’était plus un lieu d’apprentissage, mais une récompense pour ceux qui auront survécu au sas.
Comme si, derrière la promesse de « meilleur profit », il ne s’agissait pas d’abord de décider qui aura encore le droit d’y accéder. [ndlr : vouloir un stagiaire «déjà opérationnel» au sortir de l’ECAV, c'est réclamer un junior à au moins 6000 francs/mois pour le prix du stagiaire (3700 francs bruts). L'école s'est transformée en usine de sous-payés pour les grands cabinets].
Plus loin, BELLANGER ouvre la rubrique « résultats ». Niveau d’exigence « élevé », annonce-t-il.
Concrètement, « un taux d’échec de l’ordre de 50 % lors des examens initiaux et un taux d’échec définitif compris en moyenne entre 15 et 20 % après la session de rattrapage ».
Ici encore, une phrase qui se veut rassurante.
Le taux peut paraître « peu important ».
Peu important…
Pour le Professeur, sur une volée de 250 étudiants déjà bardés d’un master ou en passe de l’obtenir, cela fait « entre 38 et 50 personnes par an qui n’auront pas la possibilité de faire leur stage d’avocat à Genève ».
Une petite correction statistique, présentée comme telle.
Une volée sur cinq, rangée dans les pertes acceptables.
Les autres, les « réussis », « peuvent continuer ou commencer leur stage, puis se présenter au brevet d’avocat ». [ndlr : mécanisme pervers, car un stagiaire qui échoue à l'ECAV = éliminé du stage. Des mois de labeur, puis la porte. Pas de brevet, pas de carrière, juste du déchet pédagogique].
On l’appelait un « pont » entre l’Université et la pratique.
C’est en réalité la plus pure des barrières, ajustée au pour cent près.
Le bilan final, lui, se pare des atours du triomphe. Depuis 2011, un peu plus de mille candidats se sont présentés à l’examen du brevet et moins de un pour cent ont échoué définitivement.
Succès éclatant, affirme-t-il. Car la formation de l’ECAV permet d’écarter, en amont, ceux qui auraient échoué plus tard.
On efface l’échec public [ndlr : celui qui, en 2004 et 2005, a osé gagner au Tribunal contre les examinateurs de milice] en le déplaçant dans une zone grise, à l’abri du regard fédéral.
Et comme s’il voulait signer son œuvre, BELLANGER – le maestro – ajoute encore un détail.
Pour les rares candidats en échec définitif au brevet, on a « examiné les notes ».
Il s’agit « dans la majorité des cas », écrit-il, des « étudiants qui ont réussi l’ECAV avec une moyenne de 4 ou proche de 4 ».
C’est un aveu. L’anonymat n’a jamais réellement existé.
Car pour écrire cela, il faut que quelqu’un, quelque part, puisse être en mesure de mettre sur la même table les résultats de bachelor, les moyennes de l’ECAV et les notes du brevet. Qu’on ait croisé les colonnes, relié ce qui, officiellement, relève d’instances séparées.
Le Conseil de l’ECAV a goûté à tous les fruits du jardin, jusqu’au dernier fichier Excel.
Le filtre a déjà dit oui. Le brevet dira non.
Entre les deux, la même poignée d’autorités qui voit l’ensemble de la chaîne et décide, en toute connaissance de cause, qui aura le droit, ou non, d’échouer au grand jour.
Ce n’est pas un simple constat, c’est un message.
Quand le président écrit noir sur blanc que les rares recalés au brevet sont ceux «avec une moyenne de 4 ou proche de 4», il ne décrit pas un « profil fragile ».
Il marque d’une lettre rouge toute une tranche de la volée.
Il indique, sans avoir l’air, à tous ceux qui se tiennent au milieu de la chaîne – maîtres de stage, recruteurs, associés, membres de commissions – où commence la zone à risque.
Et cette consigne ne circule pas en coulisse. Elle est publiée dans la voie la plus officielle qui soit. La gazette – fédérale – de la corporation.
La revue spécialement dédiée à ceux nimbés du barreau, que personne ne questionne.
Le signal part du sommet, glissé au cœur du bulletin maison et descend tranquillement jusqu’aux guichets du marché.
À 4, ou juste au-dessus, le candidat n’est plus seulement « limite ».
Il devient celui dont il vaut mieux se passer.
Avant que notre ère sombre, à l’orée de 2020, un fait rare se produisit.
L’ECAV fut contrainte de s’expliquer. Non par vertu, ni par contrôle, mais sous la pression des représentants des étudiants à l’Assemblée de l’Université – parmi eux, Baptiste GOLD.
Réglementairement acculé, le Rectorat dut lui-même sommer l’ECAV de fournir des explications. Et ce qui en sortit ne fut pas un rapport, mais une fissure. Un texte arraché au mutisme, bien malgré lui, d’une structure peu accoutumée à répondre.
Le ton se voulait maîtrisé. Mais les aveux perçaient.
L’ECAV n’était ni une formation de base ni une formation continue. Elle était, selon le Rectorat lui-même, un « cas spécifique ».
Autrement dit, un vestige bricolé des anciens DEA [ndlr : les « diplômes d’études approfondies »] (mis au rebut par Bologne), exclu des subventions, soigneusement maintenu en marge du cadre fédéral.
À ce titre, elle n’ouvrait droit à aucune bourse. Les aides ? Ponctuelles, incertaines, parfois assorties de prêts à 6 % négociés avec UBS.
Sans gouvernance claire, sans compte à rendre.
Une structure financée par ceux qu’elle trie, mais qui n’assume envers eux ni devoir ni redevabilité. Un instrument privé sous les oripeaux de l’institution.
« Rattachée à la Faculté de droit », plus précisément.
L’onde de choc ne fut pas immense, mais suffisamment perceptible. Et les risques durent être colmatés.
En 2021, ses comptes – longtemps hors contrôle – furent enfin intégrés aux rapports financiers de l’Université.
Trop peu, trop tard, face à l’opacité systémique, l’indifférence aux coûts, l’impossibilité de baisser les frais malgré des effectifs en dents de scie — et une moyenne stable d’environ 250 étudiants [ndlr : 250 x 3500 = 875’000 francs > 150 x 3500 = 525’000].
Ce qui devait être une passerelle s’était mué en douane. Une machine sans pilote. Un sas devenu verrou.
Sa création fut un choix politique autant que corporatiste.
Son fonctionnement, une mécanique d’élimination.
Et c’est dans ce décor – non d’un examen, mais d’un dispositif – que l’affaire FARJANI surgit. Pas comme un échec personnel, mais comme l’irruption d’un justiciable dans une architecture pensée pour le faire définitivement renoncer.
Il nous faut donc revenir à cette session de septembre 2023.
⚠️ AVIS DE POURSUITE ⚠️
Ce que vous venez de lire n’est pas une dérive. C’est un système qui fonctionne exactement comme prévu.
Mais un dispositif ne se juge pas à ses pourcentages.
Il se juge au moment où quelqu’un tombe du mauvais côté de la décimale.
CHAPITRE 4 — Le dérapage à l’issue fatale
Septembre 2023.
0.12 point.
Une élimination définitive après 6 ans de droit.
Consultation des copies.
Une erreur.
Puis un aveu.
Assez pour réussir.
Trop tard pour réparer.
Ici, la machine ne trie plus des dossiers.
Elle broie un avenir.
















